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Le Temps de David
6 janvier 2017

L'après-vérité en politique

Quand Donald Trump, le candidat républicain à la présidentielle, affirmait récemment que le président Barack Obama “est le créateur” de l’État islamique et Hillary Clinton, la candidate démocrate, la “co-créatrice”, même ses soutiens fermes sont restés perplexes. Il ne l’entendait certainement pas au sens littéral?? L’animateur de radio conservateur Hugh Hewitt suggère que peut-être voulait-il dire que le retrait trop rapide de l’administration Obama d’Irak “avait créé le vide” que les terroristes ont alors exploité?? “Non, je voulais dire qu’il est le créateur de l’État islamique” répondit M. Trump. “Il a été l’acteur le plus précieux. Je lui décerne le trophée de l’acteur le plus précieux. Je le décerne, aussi, au passage, à Hillary Clinton.” M.?Hewitt, qui déteste M. Obama et a écrit un livre dénonçant “l’ambition épique” de Madame Clinton, n’a pas été convaincu. “Mais il n’a aucune sympathie pour eux. Il les déteste. Il essaie de les tuer” a-il répondu. Encore une fois, M.?Trump n’a pas cédé d’un pouce?: “Cela m’est égal. Il en est le créateur. La façon dont il s’est retiré d’Irak a jeté les bases de l’État islamique, OK??” Pour beaucoup d’observateurs, l’échange était une preuve de plus que le monde est entré dans une ère “de post-vérité politique”. M.?Trump semble ne pas se soucier de savoir si ses mots ont une quelconque relation avec la réalité, tant qu’ils stimulent les électeurs. Sur le site de vérification de faits PolitiFact, ses déclarations sont les plus mensongères?: par exemple son affirmation selon laquelle “les crimes en ville atteignent des niveaux records”, qui joue sur les peurs infondées selon lesquelles la criminalité est en hausse. “M.?Trump semble ne pas se soucier de savoir si ses mots ont une quelconque relation avec la réalité, tant qu’ils stimulent les électeurs” Et il n’est pas le seul politique de premier plan à pratiquer la post-vérité. Les Britanniques ont voté pour quitter l’Union européenne en juin dernier sur la base d’une campagne de désinformation flagrante, y compris le “fait” que l’adhésion à l’UE leur coûterait 350?millions de livres (470?millions de dollars) par semaine (somme qui pourrait être consacrée au National Health Service), et que la Turquie pourrait adhérer à l’UE d’ici 2020. Attendez un instant. Les élites meurtries ne hurlent-elles pas toujours à la faute quand les masses n’adhèrent pas à leur vérité?? Ne disent-elles pas toujours que les concurrents colportent des mensonges pour persuader les ignorants à voter contre leur intérêt?? Selon certains, il faudrait, peut-être, que les “Remainers” britanniques acceptent le vote de ceux qui veulent quitter l’UE comme une expression de griefs justifiés et une envie de reprendre le contrôle, contrairement aux nombreux Américains qui soutiennent M. Trump. Il peut exister une certaine tendance à l’affabulation, mais la politique a-t-elle jamais été synonyme de vérité?? “Tels princes ont fait de grandes choses” écrivait Nicolas Machiavel “qui de leur parole ont tenu peu compte, et qui ont su par ruse manœuvrer la cervelle des gens.” Les ministres et les Premiers ministres britanniques ont menti à la presse et au Parlement, comme l’a fait Anthony Eden lors de l’affaire de Suez. Lyndon Johnson a mal informé les Américains sur l’incident du golfe du Tonkin, entraînant ainsi leur pays dans la guerre du Vietnam. En 1986, Ronald Reagan a insisté pour que son administration n’échange pas les otages en Iran contre des armes, avant de devoir admettre quelques mois plus tard que?: “Mon cœur et mes meilleures intentions me disent encore que c’est vrai, mais les faits et les preuves me disent que cela ne l’est pas”. Il est donc tentant de rejeter l’idée de discours politique “post-vérité”, terme utilisé la première fois par le blogueur Stephen Colbert sur le site écologiste Grist, comme une tendance inventée par de mauvais perdants libéraux qui ignorent que la politique a toujours été une entreprise sale. Mais ce serait faire preuve de complaisance. Il existe un argument solide, en Amérique et ailleurs, selon lequel certains politiques tendent à jouer sur les sentiments plus librement et avec moins de scrupules qu’auparavant. L’omniprésence de leur mensonge ne semble plus nuire à certains politiques, aidés en cela par les nouvelles technologies, une avalanche de faits et un public beaucoup plus méfiant. Si cela continue, la puissance de la vérité comme outil de résolution des problèmes de la société pourrait durablement se réduire. Les mots de Ronald Reagan soulignent un aspect important de ce qui a changé. Les mensonges en politique signifiaient qu’il y avait une vérité qui devait rester secrète. Les preuves, la cohérence et l’érudition avaient le pouvoir politique. Aujourd’hui, pour de plus en plus de politiques et d’experts, cela n’a simplement plus d’importance. Ils sont contents de ce que le satiriste américain Stephen Colbert appelle “truthiness”?: des intuitions qui “semblent justes” ou “devraient être vraies”. Ils insinuent (“Beaucoup de gens disent…” est l’une des phrases préférées de M. Trump), et préfèrent questionner la provenance que l’exactitude de tout ce qui va à l’encontre de leurs idées (“Ils diraient cela, n’est-ce pas??”). Et lorsque la distance entre leur intuition et les faits est trop importante, elle peut toujours être comblée par une quelconque théorie du complot. “Certains politiques tendent à jouer sur les sentiments plus librement et avec moins de scrupules qu’auparavant” Cette façon de penser n’est pas nouvelle. L’Amérique a connu une campagne contre les prétendues activités subversives des “Illuminés de Bavière” au début du XIXe?siècle, et dans les années 1950 la chasse aux sorcières du sénateur Joseph McCarthy contre les activités anti-américaines. Et en 1964, l’historien Richard Hofstadter a publié ‘The Paranoid Style in American Politics’. Plus récemment, sous les mandats de George W. Bush, la croyance absurde que les attentats du 11?septembre 2001 étaient une “œuvre interne” se répandit chez les gauchistes, et devint une croyance populaire dans le monde arabe.

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